CAOUTCHOUC : une matière insolite, une aventure personnelle / 1990-2020
Du goutte-à-goutte de l’hévéa, au caoutchouc synthétique puis à l’élastomère, la matière porte la mémoire de son histoire aussi riche et diverse que ses qualités. Si son développement est lié à cet incompressible besoin d’élasticité qui s’est emparé de l’Occident à l’ère de l’industrialisation*, elle est rentrée dans mon atelier par le hasard des circonstances à la fin des années 90 sans jamais le quitter.
Depuis, je me suis accoutumée à sa couleur profondément noire qui rend toute présence ou association chromatique futile et maintient un rapport spécifique à la lumière. Un rapport qui va de la réflexion à l’absorption totale, selon la direction de la lumière et la qualité de la matière, opaque ou brillante.
En parallèle, j’essaie de comprendre ses propriétés insaisissables, sa propre humeur intérieure.* Solide et instable, à la fois métal et tissu, elle présente des réactions différentes à chaque manipulation d’après son poids, épaisseur, élasticité, composition.
Ainsi, au fil des ans, cette matière insolite et profondément énigmatique elle est devenue ma matière de prédilection, elle se met en résonance avec mon besoin de supprimer toute trace de narration dans mon travail, de me contenter d’ une représentation picturale minime.
Laisser enfin, une place au silence et, peut-être, au regard du spectateur pour inventer son propre récit.
* ÊTRE CAOUTCHOUC, Anne Varichon et Carlo Roccella, éditions du Seuil, 2006.